Le coefficient de Gini basé sur le revenu ajusté

Diffusion : 18 mai 2023

L’Institut de la statistique du Québec diffuse un nouvel indicateur portant sur l’inégalité de revenu des ménages et des particuliers : le coefficient de Gini calculé à partir du revenu ajusté. Celui-ci s’ajoute au coefficient de Gini déjà diffusé, calculé à partir du revenu non ajusté.

Le coefficient de Gini est une mesure d’inégalité de la distribution des revenus utilisée pour comparer l'équité de la répartition des revenus entre différentes populations ou au sein d'une même population au fil du temps. Les valeurs du coefficient s’échelonnent de 0 à 100, où 0 représente l’égalité parfaite entre les membres d’un groupe (répartition parfaitement égale des revenus, tous détenant exactement le même revenu) et 100, l’inégalité parfaite (une seule personne détenant tous les revenus). Une diminution de la valeur du coefficient de Gini peut, dans l'ensemble, être interprétée comme reflétant une diminution de l'inégalité, et vice versa.

Les statistiques produites à partir du revenu ajusté

Comme pour le coefficient de Gini basé sur le revenu non ajusté, les statistiques du coefficient basé sur le revenu ajusté selon la taille du ménage sont présentées pour trois types de revenu, soit le revenu du marché, le revenu total et le revenu après impôt, à la fois pour les particuliers de 16 ans et plus et pour les ménages. Le nouveau coefficient est aussi calculé pour l’ensemble des particuliers, sans égard à l’âge, ce qui n’est pas le cas du coefficient basé sur le revenu non ajusté, puisque les personnes de moins de 16 ans ont des revenus généralement faibles, voire aucun revenu. Les résultats sont ventilés selon plusieurs caractéristiques sociodémographiques des ménages et des particuliers.

Le revenu non ajusté et le revenu ajusté selon la taille du ménage

Le revenu non ajusté

Ce revenu tient compte de la taille du ménage (soit le nombre de personnes le composant) et des économies d’échelle dans la consommation qui résultent de la cohabitation.

Le revenu ajusté selon la taille du ménage

Ce revenu vise d’une part à prendre en compte la taille du ménage (soit le nombre de personnes le composant), et d’autre part des économies d’échelle dans la consommation qui résultent de la cohabitation.

Il est obtenu en divisant le revenu du ménage par un facteur d’équivalence correspondant à la racine carrée de la taille du ménage. Ceci reflète le fait que les besoins d’un ménage augmentent avec sa taille, mais à un rythme moins rapide que l’augmentation du nombre de membres le composant.

Le même revenu ajusté calculé pour un ménage est attribué à tous ses membres. Cette attribution repose sur l’hypothèse d’une mise en commun des revenus au sein du ménage. Dans le cas d’une personne vivant seule, le revenu du ménage ajusté selon sa taille correspond au revenu individuel.

Quand préconiser l’utilisation de l'une ou l'autre mesure?

Coefficient de Gini basé sur le revenu ajusté selon la taille du ménage

L’utilisation du coefficient basé sur le revenu ajusté est pertinente lorsqu’on s’intéresse aux conditions de vie des personnes ou des ménages, puisque cette mesure permet, d’une certaine façon, l’adéquation entre les revenus dont ceux-ci disposent et leurs besoins. En effet, un revenu donné ne permet pas d’atteindre les mêmes conditions de vie s’il doit couvrir les besoins de ménages de tailles différentes, par exemple, un ménage d’une seule personne comparativement à un ménage de plusieurs personnes. Par ailleurs, pour les personnes ne vivant pas seules, le revenu ajusté permet de prendre en compte que les personnes n’ayant pas ou peu de revenus individuels bénéficient généralement du revenu d’une ou de plusieurs autres personnes de leur ménage.

Dans la majorité des cas, il est donc préférable d’avoir recours au coefficient de Gini calculé à partir du revenu ajusté.

Enfin, celui-ci peut être produit pour l’ensemble des particuliers, puisque le même revenu est attribué à chacun des membres du ménage, quel que soit son âge, ce qui inclut notamment les enfants.

Coefficient de Gini basé sur le revenu non ajusté

Pour les particuliers, on préconise l’utilisation du coefficient de Gini basé sur le revenu non ajusté dans le cas où l'objectif est de mesurer l'inégalité de revenu entre les individus indépendamment de leur appartenance à un ménage. Cette mesure est utile pour comparer la dispersion des revenus entre différents groupes ou au sein d’un même groupe au fil du temps, sur la base de caractéristiques sociodémographiques individuelles (p. ex. le niveau de scolarité) ou de caractéristiques liées au travail (p. ex. le statut d’emploi). On peut par exemple conclure que les inégalités varient en fonction du régime de travail : il y a davantage d'inégalités entre les personnes qui n’ont pas travaillé au cours de l’année qu’entre celles qui travaillent à temps plein toute l'année.

Pour les ménages, il est préférable d’avoir recours au coefficient de Gini basé sur le revenu ajusté selon la taille du ménage, comme expliqué dans la section précédente.

Comparaison des résultats, coefficients basés sur le revenu non ajusté et sur le revenu ajusté

Quel que soit le type de revenu (du marché, total ou après impôt), les valeurs du coefficient de Gini sont plus faibles lorsque celui-ci est basé sur le revenu ajusté, plutôt que sur le revenu non ajusté, ce qui traduit des inégalités moins importantes. Ce constat s’applique tant pour les particuliers de 16 ans et plus que pour les ménages. La principale raison est que l’ajustement apporté donne lieu à une forme de redistribution des revenus au sein même des ménages. En effet, mathématiquement, le revenu des membres ayant un revenu individuel moins élevé augmentera avec le revenu ajusté, alors que celui des membres ayant un revenu individuel supérieur diminuera. La mise en commun des revenus au sein du ménage a donc pour effet de réduire les inégalités.

L’écart entre les deux versions du coefficient est plus important chez les particuliers de 16 ans et plus que chez les ménages. Cela est dû au fait que le passage au revenu ajusté implique moins d’opérations pour l’unité « ménage » que pour l’unité « particulier ». Les revenus individuels des membres du ménage ayant déjà été regroupés, il ne reste qu’à diviser cette somme par la racine carrée du nombre de personnes le composant. On observe également que l’écart moyen varie selon le type de revenu.

En 2020, chez les particuliers de 16 ans et plus, le passage vers le revenu ajusté fait diminuer le coefficient de 25 % pour le revenu après impôt, de 23 % pour le revenu total et de 20 % pour le revenu du marché. Chez les ménages, ces diminutions sont respectivement de 20 %, de 16 % et de 7 %.

Sur la période 1996-2019, les coefficients de Gini des particuliers de 16 ans et plus basé sur le revenu non ajusté ont diminué, et ce, pour chacun des trois types de revenu (revenu après impôt, total et du marché). En ce qui a trait aux coefficients basés sur le revenu ajusté, on observe une diminution significative pour le revenu du marché, mais pas pour le revenu après impôt et le revenu total. 

Du côté des ménages, seul le coefficient basé sur le revenu ajusté du marché a diminué significativement pendant cette période.

L’année 2020 est marquée par une hausse exceptionnelle des revenus après impôt en raison notamment des différentes mesures de soutien mises en place par les gouvernements durant la pandémie de COVID-19. Ainsi, entre 2019 et 2020, on observe une baisse marquée des inégalités de revenu mesurées à partir du revenu ajusté après impôt et du revenu ajusté total, à la fois chez les particuliers et chez les ménages. En revanche, on ne détecte pas de changement dans les inégalités de revenu du marché (ajusté et non ajusté) pour les deux unités d’analyse puisque ce type de revenu n’a pas été affecté par les transferts gouvernementaux.

Mesure du coefficient de Gini de l’ensemble des particuliers

Les coefficients de Gini basés sur le revenu ajusté pour l’ensemble des particuliers du Québec, sans égard à l’âge, ont été ajoutés à la collection de tableaux. Au Québec, il était de 26 % en 2020.

Cette mesure est préconisée pour comparer les inégalités de revenu entre les sociétés. À ce chapitre, on constate que parmi une sélection de pays de l’OCDE, les coefficients se situent entre 26 % et 42 % en 2019. Le coefficient de Gini de l’ensemble du Canada (30 %) était supérieur à celui du Québec (28 %). Par ailleurs, le Québec se situait parmi les pays sélectionnés ayant les plus faibles niveaux d’inégalité de revenu, juste devant la Finlande (27 %), le Danemark (27 %) et la Norvège (26 %).